Qui n'a pas rêvé un jour de pouvoir remonter le temps afin d'explorer l'histoire des hommes et de côtoyer nos ancêtres ? Ce thème a fasciné les écrivains, les cinéastes mais restait une douce utopie. Désormais, la théorie physique le permet. Le premier scientifique à avoir remis en question le concept du temps fut Albert Einstein au début du XXe siècle : le temps, jusqu'alors considéré comme monolithique et implacable de régularité, devenait intimement lié à la matière et à l'espace. Il devenait avec la théorie de la relativité restreinte et générale, fluctuant, relatif. Aujourd'hui, en théorie, les plans de la machine à remonter dans le temps sont prêts. La relativité restreinte nous enseigne que deux objets qui se déplacent l'un par rapport à l'autre ont des temps différents et la théorie de la relativité générale (1915 - 1916) établit que toute masse courbe l'espace à l'instar d'une boule de billard posée sur un drap tendu. La courbure autour de ce corps précipite vers lui les objets moins denses des alentours: c'est la gravitation. Poussée à son paroxysme, cette théorie prévoit l'existence des trous noirs ; des corps si denses qu'ils s'effondrent sur eux-mêmes, des "singularités spatio-temporelles" au champ gravitationnel infini et qui aspirent tout, même la lumière. En opposition aux trous noirs, des chercheurs ont émis l'hypothèse, parfaitement possible, en théorie, qu'il existait des "fontaines blanches", sortes d'antitrous noirs qui courberaient l'espace dans le sens inverse et qui, au lieu d'attirer la matière, la cracherait. Le trou noir et la fontaine blanche sont en tout cas, les deux principaux rouages de la machine à remonter le temps. Combinés, ils forment un trou de ver, sorte de raccourci dans l'espace temps.
L'astuce consiste alors à fabriquer un trou de ver dont le trou noir est immobile par rapport à nous et dont la fontaine blanche se déplace à des vitesses proches de celle de la lumière. Le temps ne s'écoulera pas de la même manière aux extrémités du tunnel : il sera plus lent du coté de la fontaine blanche. Ainsi, quand deux mois se seront écoulés à l'entrée du trou noir la fontaine blanche sera en retard, dans le passé. Il suffira alors d'emprunter le trou de ver pour remonter le temps. Au mieux, on ne pourra revenir qu'à la date de création du trou de ver. La machine à remonter le temps est donc un tunnel spatio-temporel dont l'entrée respecte l'évolution du temps, mais dont la sortie reste figée à la date de sa création. Prenons un exemple, le 1er janvier 2000, création du tunnel et le 1er janvier 2050, on s'introduit dans le tunnel pour en ressortir le 1er janvier 2000. Il y a cependant encore quelques énigmes concernant cette théorie. Les fontaines blanches n'ont jamais été observées dans la pratique et les trous noirs, à cause de leur champ gravitationnel intense, ont la fâcheuse tendance à broyer la matière qui s'y précipite en une soupe de particules élémentaires.

Le voyage dans le temps implique aussi des paradoxes insolvables pour l'instant: imaginons un petit fils qui rend visite, en remontant le temps, à son grand-père, inventeur d'une boucle temporelle, et qui lui offre un livre que ce dernier n'écrira que quelques années plus tard. Au lieu d'écrire le livre, l'inventeur n'aura qu'à recopier l'exemplaire du futur offert par son petit fils. Très bien mais dans ce cas, qui est l'auteur du livre? Pas le grand-père puisqu'il n'a fait que le recopier... Pour résoudre ce paradoxe, certains chercheurs se tournent vers la physique quantique et ses particules aux propriétés parfois surprenantes et envisagent l'existence d'une infinité d'univers parallèles. En revenant dans le passé, un voyageur changerait en fait d'univers et offrirait le livre au grand- père de l'univers parallèle. Cela n'aurait aucune incidence sur le grand-père de l'univers de départ. Tout ceci est un peu difficile à concevoir mais ce n'est déjà plus de la science-fiction , c'est de la recherche théorique envisagée dans les laboratoires et instituts les plus sérieux.


 

Les paradoxes du voyage dans le temps défient la logique. Le plus problématique d'entre eux est le paradoxe de cohérence. En voici un exemple simple: imaginez que vous construisez une machine à voyager dans le temps, et remontez ainsi cinq minutes en arrière. Puis vous détruisez cette machine. Mais comme vous l'avez détruite cinq minutes avant de la construire, comment avez-vous pu l'utiliser cinq minutes plus tard? Et surtout, si vous ne pouvez pas l'utiliser cinq minutes plus tard, alors c'est que vous ne pouvez pas remonter le temps et la détruire. En d'autres termes, la machine est détruite si et seulement si elle n'est pas détruite: ce scénario est tout à fait paradoxal. Vous êtes toujours là? Ce n'est pas encore fini.

La conjecture de Novikov à elle seule ne résout pas tous les paradoxes du voyage dans le temps. Cependant, Barak Shoshany, professeur assistant à l'Université Brock, et deux de ses étudiants ont suggéré qu'une autre théorie pouvait résoudre tous les paradoxes: celle des histoire multiples.


L'idée est simple: il y aurait plusieurs chronologies parallèles, et on pourrait retourner dans le temps dans une première chronologie, puis changer les événements dans une seconde mais pas dans l'originale. Mais l'univers permet-il à plusieurs chronologies parallèles d'exister? Ce ne sont pour l'instant que des spéculations, qui sont soutenues par l'interprétation de la physique quantique d'Everett appelée «théorie des mondes multiples».

Balayons donc la problématique de la matière à énergie négative. Il reste tout de même un autre obstacle de taille. Celui dont nous avons tous déjà entendu parler. Celui du paradoxe de cohérence. Le physicien en donne un exemple frappant. Il imagine utiliser une machine à voyager dans le temps qu'il vient de construire pour remonter cinq minutes dans le passé. Là, il détruit la machine. Or, la machine détruite ne devrait pas lui permettre de l'utiliser cinq minutes plus tard pour revenir cinq minutes plus tôt et la détruire. S'il est au moment où il est, cela veut forcément dire que la machine à voyager dans le temps n'a pas été détruite. Et il peut l'utiliser pour remonter le temps et la détruire. En d'autres mots, voici une machine à remonter dans le temps qui est détruite si et seulement si... elle n'est pas détruite.! Vous voyez l'incohérence
La science-fiction traite la question en recommandant à ses voyageurs dans le temps d'éviter d'intervenir sur le passé. Ou de se rencontrer eux-mêmes. Problème résolu. Sauf qu'en physique, un paradoxe correspond à un concept purement théorique. Comprenez qu'il met en lumière une incohérence de la théorie elle-même. Et patatras! Voilà comment le voyage dans le temps devient tout simplement impossible aux yeux de la science. Impossible, vraiment Pas forcément, selon certains chercheurs. Le physicien théoricien russe Igor Dmitriyevich Novikov est de ceux-ci. Sa conjecture d'autocohérence a été imaginée pour résoudre les paradoxes du voyage dans le temps. Tout simplement en interdisant aux voyageurs temporels de... changer le passé. En interdisant vraiment. Avec des lois de la physique qui, en quelque sorte, conspireraient pour empêcher Barak Shoshany de détruire sa machine à voyager dans le temps cinq minutes avant d'y être entré. Mais alors, à quoi bon ? L'intérêt de remonter dans le passé n'est-il pas justement de pouvoir le changer ?
Mettre fin aux paradoxes de cohérence des voyages dans le temps En plus, les travaux menés par Barak Shoshany montrent que la conjecture d'autocohérence ne permet pas d'éliminer tous les paradoxes du voyage dans le temps. Alors, retour à la case départ ? Avec un voyage dans le temps rendu impossible Eh bien, pas tout à fait, nous dit le physicien. La solution ultime résiderait dans la création d'histoires multiples. Ou de chronologies parallèles. Ce qui veut dire Tout simplement lorsque le voyageur dans le temps sort de sa machine, il entre dans une chronologie distincte de sa chronologie d'origine. Dans cette nouvelle chronologie, il est libre de tout. Y compris de détruire sa machine à voyager dans le temps. Et cela, sans aucun impact sur ce qui se passera, un peu plus tard, dans la chronologie de laquelle il vient. C'est la fin des paradoxes. Et la science qui se réconcilie avec la science-fiction qui, déjà, affectionnait les histoires de chronologies parallèles.
J'ai travaillé sur les paradoxes du voyage dans le temps au cours des trois dernières années et je suis de plus en plus convaincu que le voyage dans le temps pourrait être possible, confie Barak Shoshany. Mais seulement si notre univers peut permettre à plusieurs histoires de coexister. » Ce qui pose, bien sûr, une nouvelle question : notre univers peut-il accepter des chronologies parallèles. La mécanique quantique semble pencher vers le oui. La théorie des mondes multiples imaginée par Hugues Everett, un mathématicien américain (1930-1982), l'envisage. L'histoire pourrait se diviser. Pour permettre au chat de Schrödinger d'être vivant dans une nouvelle histoire et mort dans l'autre. L'équipe de Barak Shoshany, elle, travaille actuellement à établir une théorie concrète du voyage dans le temps avec des histoires multiples compatibles avec la relativité générale d'Albert Einstein. Une théorie qui ne prouverait toujours pas que le voyage dans le temps est possible, mais au moins qu'il n'est pas rendu impossible par des paradoxes de cohérence.
       



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